Ligne très haute tension à Junglinster : «Il n’y a pas de bonne solution»

Le 1er octobre prochain, dernier délai, le débat autour du tracé de la future ligne très haute tension 380 kV dans la commune de Junglinster aura pris fin. De quoi provoquer l’inquiétude des riverains, qui craignent pour leur santé.

Entouré de verdure, le petit village d’Imbringen, à cinq kilomètres de Junglinster, ressemble à ce qu’on pourrait qualifier de havre de paix. Pourtant, c’est l’inquiétude qui règne parmi les 350 habitants. La raison ? Creos, la société gestionnaire des réseaux nationaux d’électricité et de gaz, souhaite construire une ligne à très haute tension de 380 kV de Bertrange à Aach (Allemagne) en passant par Bofferdange.

Sur le papier, rien de nouveau pour Imbringen puisque le village est déjà bordé par les pylônes de la ligne haute tension de 220 kV. Cette dernière doit justement être remplacée par celle de 380 kV, plus performante selon le gestionnaire. Une bonne nouvelle en somme, sauf pour les riverains. «C’est son champ magnétique qui va nous poser des problèmes dans le futur», lance, inquiet, un membre de la Biergerinitiativ Amber 380 kV.

Depuis l’annonce du projet en 2021, cette initiative citoyenne regroupe des habitants d’Imbringen qui luttent pour éloigner cette ligne de leurs maisons.

Lors de la consultation publique entre le 3 juin et le 3 juillet derniers, «le ministère de l’Environnement a reçu pratiquement 1 000 réclamations, courriels ou lettres». «Nous avons été assez actifs dans notre petit village parce que nous sommes fortement impactés. Il y a notamment un tracé qui nous cause beaucoup de soucis», précise le riverain. Pas encore officiellement fixé, le tracé est, pour l’instant, décliné en plusieurs variantes (voir illustration).

Le 1^er octobre prochain, dernier délai, le ministère aura délibéré sur le choix du tracé. Comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des membres de la Biergerinitiativ Amber 380 kV, qui redoutent le choix de la variante «Asselscheuer – Bourglinster Nord / Klengelscheier Nord» (en rouge sur la carte).

«On a l’impression que le tracé rouge a toujours été le favori de Creos. Pour eux, c’est plus simple, car c’est une ligne bien droite, peu importe les habitants, peu importe les zones protégées.» Pour l’aspect environnemental, le tracé passerait sur la zone protégée d’intérêt national du Gréngewald. Du côté des habitants, l’alarme porte sur un risque de problème de santé publique. «Ce tracé est très proche des maisons. Chez nous, à Imbringen, c’est entre 120 et 140 mètres.»

Une proximité qui leur pose problème au vu du champ électromagnétique, calculé en micro-Tesla (μT), et de son impact possible sur la santé. D’autant plus que, selon la Biergerinitiativ Amber 380 kV, la puissance du champ calculée par Creos est sous-estimée.

«Ils ont calculé avec la puissance actuelle, sauf que si le besoin d’énergie augmente dans le temps, l’ampérage va monter ainsi que le champ électromagnétique.»

Les voix qui s’élèvent contre le «Projet 380» assurent que les projections de consommation de Creos omettent trois facteurs : la possible arrivée du data center Google à Bissen, «100 mégawatts de plus», le projet de Creos de reprise de la fourniture d’énergie de la société Sotel, qui alimente l’industrie du Sud, «280 mégawatts de plus», et le projet d’Entso-e pour le transfert d’énergie entre la Belgique et l’Allemagne via le Luxembourg prévu pour 2035. «Et on pourrait rajouter la transition énergétique vers les pompes à chaleur et les voitures électriques», souffle le riverain.

Avec ce scénario, les 0,4 μT ne seraient pas respectés par le tracé rouge. Dans ce cas, «il y a 36 000 études à ce sujet et 70 % d’entre elles disent qu’il y a un impact sur la santé». «Le plus important, c’est le risque de développer une leucémie pour les enfants.»

En mai 2020, le Conseil supérieur de la santé belge concluait qu’une exposition prolongée à 0,3 ou 0,4 μT provoquerait «un cas supplémentaire tous les deux ans» de leucémie infantile. «Des études parlent aussi du risque de maladie d’Alzheimer, de cancers du sein, de tumeurs cérébrales et même si l’on n’est pas sûr, on retrouve toujours les valeurs 0,3 et 0,4.»

La crainte est d’autant plus grande que la ligne de 220 kV et les trois lignes haute tension enterrées (deux de 65 kV et une de 20 kV) qui traversent Imbringen sont déjà dans le viseur. «Il y a pratiquement un cancer dans chaque maison en parallèle de ces lignes. Nous ne sommes pas médecins, mais on le constate et cela fait peur.»

Pour autant, la Biergerinitiativ Amber et son représentant ne réclament pas une variante plutôt qu’une autre. «Cette thématique est assez émotionnelle. Il n’y a pas de bonne solution et on ne veut pas diviser les gens», dit le représentant, en évoquant les foyers qui seraient touchés par un autre tracé que le rouge. D’ici le 1^er octobre et la décision du ministère, le doute règne : «Nous ne sommes ni optimistes ni pessimistes. Creos a un pouvoir énorme et pour eux, c’était le tracé préféré».

Creos contredit la Biergerinitiativ Amber 380 kV

Alors que les membres de la Biergerinitiativ Amber 380 kV s’opposent à une variante du tracé de la future ligne très haute tension qui passerait par Imbringen, Creos, le gestionnaire du réseau électrique, se défend.

En discussion avec les riverains depuis le début du projet, lors de réunions publiques notamment, Creos a conscience du débat que le choix du tracé provoque. Interrogé par nos soins, le service communication du gestionnaire du réseau national d’électricité a toutefois retoqué les arguments de la Biergerinitiativ Amber 380 kV.

Que répondez-vous à la Biergerinitiativ Amber qui juge que vous sous-estimez la consommation future ?

Creos : Les scénarios considérés se basent sur le scénario le plus critique décrit dans le document public Creos Scenario Report 2040. Ce document se base sur les objectifs du Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC) luxembourgeois afin de pouvoir réaliser la transition énergétique. Nous ne pensons donc pas que nos estimations sont sous-estimées.

Nous avons pris en compte le scénario maximal du Scenario Report. Nous avons considéré que l’intégralité de la charge transitait sur cet axe alors que, dans la réalité, cette charge sera divisée en deux axes : la nouvelle connexion 380 kV et la connexion existante 220 kV vers Bauler. Nous avons négligé le développement des sources locales d’énergie renouvelable qui ont et auront de plus en plus d’effets dans le futur pour réduire les importations, et donc le transit sur les lignes d’interconnexion.

Et concernant leur reproche quant à la proximité de la ligne et des habitations dans la variante « Asselscheuer -Bourglinster Nord » ?

Il nous paraît aussi essentiel de rappeler que le village se trouve à environ 150 m d’une des variantes considérées et que, même si la ligne devait être exploitée à sa puissance maximale en respectant les règles opérationnelles des gestionnaires de réseau (c’est-à-dire que chaque circuit est chargé à 50 % afin de ne pas dépasser 100 % si un circuit devait faire défaut), les habitants ne seraient pas soumis à un champ magnétique supérieur à 0,4 µT.

Enfin, nous souhaitons rappeler que nous appliquons ce principe de 0,4 µT comme principe de précaution, mais que la norme européenne, quant à elle, enjoint de ne pas dépasser 100 µT.

Nous n’avons pas de variante favorite

Quel regard portez-vous sur les contestations ?

Nous sommes bien conscients que l’aspect visuel de la nouvelle infrastructure peut générer un certain niveau de mécontentement auprès de la population habitant à proximité d’une des variantes possibles. Néanmoins, nous souhaiterions rappeler que ce projet est d’utilité nationale et nécessaire pour atteindre les objectifs de la transition énergétique et que tout un chacun vivant au Luxembourg en sera un des utilisateurs.

Comment ont été pensées les variantes du tracé et laquelle vous convient le mieux ?

Les variantes sont le fruit de propositions de la part de différentes parties prenantes, comme les communes et les administrations. L’objectif de Creos est de construire une infrastructure fiable, résiliente et permettant de rencontrer les besoins en électricité pour la transition énergétique du pays ainsi que son développement économique. À ce titre, nous n’avons pas de variante favorite et attendons la conclusion motivée de l’étude d’impact sur l’environnement. Creos attache une grande importance à ce que la variante choisie représente la meilleure solution pour le public.